La fibromyalgie et le milieu scolaire

Guide de référence pour l’enseignement

fatigue

Guide de référence pour l’enseignement aux élèves souffrant d’encéphalomyélite myalgique/ syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) et/ou  du syndrome de fibromyalgie (SFM)

Un guide de référence TEACH-ME a été publié et tranduit en français dans le but de comprendre l’impact sur les élèves souffrant d’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) et/ou du syndrome de fibromyalgie (SFM). Les auteurs sont: Dr David S. Bell, sommité mondiale et chercheur dans le domaine de l’EM/SFC et du SFM chez les jeunes, Dr Bruce M. Carruthers, auteur principal du Consensus canadien sur l’EM/SFC et co-éditeur du Consensus canadien sur le SFM et le groupe de travail Teach-Me (enseignant, chercheur, auteur, parents, jeunes etc…)

Il existe au niveau de la peau, des muscles, des tendons et des os, des récepteurs à fonctions diverses (froid, pression, douleur) qui permettent une première perception de la douleur ou encore de l’environnement. Par la suite, ces messages seront transmis vers la moelle épinière (équivalent à la boîte électrique dans une maison), où ils pourront être augmentés ou diminués avant de se diriger vers  le cerveau. Chez les patients fibromyalgiques, on retrouve à ce niveau un phénomène d’hyperexcitabilité. Des facteurs aggravants de type climatique, traumatique, anxiogène ou dépressif produiraient une amplification de la perception  des stimulis douloureux ou non. Ces amplifications seront variables d’un mois à l’autre. Il y aura des bonnes et moins bonnes journées à cause de ces facteurs aggravants.

Au sein du corps enseignant canadien, on prend de plus en plus conscience de la réalité de l’EM/SFC et/ou du SFM à l’enfance et àl’adolescence.  Il s’agit d’une réalité nouvelle, en partie parce que ces maladies ont un passé de controverse.  Bien que le nombre d’adultes chez qui on a diagnostiqué l’une ou l’autre de ces maladies se soit considérablement accru depuis le milieu des années 1980, leur reconnaissance  officielle chez les adultes a tardé à venir.  De façon tragique, il a fallu encore plus de temps pour reconnaîre la prévalence et l’effet dévastateur de l’EM/SFC et/ou du SFM à l’enfance et à l’adolescence, ce qui a été à l’origine de situations déchirantes.

Bien que ce guide concerne  l’EM/SFC et le SFM, nous parlerons ici davantage de fibromyalgie (SFM).

Comprendre la douleur sur SFM : on comprend facilement qu’une ecchymose ou une coupure puisse faire mal.  Cependant, quand on ne connaît pas très bien le SFM, on peut avoir du mal à croire que des jeunes puissent souffrir d’autant de types de douleur, surtout quand ces jeunes disent avoir tout le temps mal, que la douleur change d’endroit dans leur corps et qu’il n’y a aucun signe visible de traumatisme.

l est important que l’école comprenne que les carences des articulations et autres structures de soutien sont une cause de douleur et de fatigue structuelle, ce qui réduit le temps qu’il est possible de passer debout.  L’élève dont la posture est devenue anormale se fait dire de se redresser, de se tenir les épaules droites.  Or l’élève voudrait bien avoir une bonne posture mais cela lui est tout simplement impossible.   Comme les jeunes sont très sensibles, il est important de ne pas attirer l’attention sur leurs anomalies.

Autres anomalies musculaires: beaucoup de muscles peuvent être contractés et tendus. L’engourdissement et les fourmillements sont fréquents, surtout dans les jambes, les pieds, les bras et les mains. Les maux de tête, ce qui comprend les migraines, ne sont pas rares et s’accompagnent de spasmes dans les muscles du cou et des épaules. Le syndrome de l’articulation temporomandibulaire (ATM) chez les fibromyalgiques, ce syndrome prend souvent son origine dans la contraction chronique des muscles qui jouent un rôle dans le mouvement de la mâchoire. Les troubles de la perception et instabilité spatiale: les élèves peuvent avoir à l’occasion de la difficulté à fixer leur regard, par suite de la fatigue ou de l’approche d’une migraine.  Il peut être déroutant que l’élève se dise incapable de lire ce qui est écrit au tableau ou dans un livre alors que cela lui était possible peu avant et le reviendra peut-être environ une heure après. Les jeunes peuvent avoir des difficultés à entendre ou à comprendre des instructions parce que le bruit ambiant est plus fort que ces instructions. Phénomènes de surchage, les jeunes peuvent devenir hypersensibles à une variété d’influx sensoriels comme l’éclairage vif ou à fluorescence, les sons ou les bruits forts, les mouvements rapides, les odeurs, par eux-mêmes ou en combinaison. Dysfonctions neurocognitives: les symptômes sont plus souvent reliés à la douleur et à la fatigue cognitive qu’à des problèmes permanents. Les malades parlent souvent d’être  »dans les vapes » et leur fatigue cognitive se caractérise par la confusion, les difficultés de consolidation de la mémoire à court terme, les oublis, la difficulté à trouver ses mots et à retrouver des informations. Fatigue, il y a celle qui peut survenir de façon inattendue après des activités, fatigue réactionnelle qui peut survenir le lendemain ou le surlendemain, la fatigue structurelle rend le corps incapable de se soutenir très longtemps, la fatigue musculaire, la récupération peut être très longue. À cause de la piètre qualité du sommeil et de sa faible quantité, la fatigue au réveil est presque toujours présente. Troubles du sommeil: les jeunes fibromyalgiques ont généralement de la difficulté à s’endormir, souvent parce que la douleur les force à changer souvent de position. Beaucoup se réveillent souvent et se rendorment difficilement.  Les phases de sommeil profond ne durent pas assez longtemps pour permettre au corps de se restaurer et de devenir reposé. Dysfonctionnements du système autonome et/ou du système neuroendocrinien: lever ou tourner la tête, ou encore se lever rapidement sont une cause fréquente d’étourdissements ou de perte d’équilibre.  Avoir froid d’un côté du corps et chaud de l’autre.  Un certain nombre de ces jeunes ont les pieds et mains enflés, d’autres ont la bouche et les yeux secs.  Les adolescentes ont souvent des menstruations très douloureuses.

Conséquences sur le régime scolaire

Les jeunes fibromyalgiques doivent relever de nombreux défis physiques, mentaux, éducatifs, sociaux et émotionnels, défis qui touchent également leurs familles et leurs amitiés.  Leur douleur et leurs nombreux types de fatigue ont un impact négatif sur leurs habiletés cognitives et sur leurs études.   À cause de la fatigue et du ralentissement de leurs activités cognitives, il leur est difficile d’effectuer leurs travaux scolaires et de se maintenir au niveau de leurs camarades.  La confusion et l’accablement se présentent souvent.  Le régime scolaire de bon nombre de ces jeunes doit être adapté de façon à tenir compte de leurs besoins particuliers.

Objectifs

  • Soutien et bien-être des malades
  • Prise en charge de la maladie par le malade
  • Optimisation de la capacité fonctionnelle

Lignes directrices

  • Le médecin traitant est responsable du traitement et devrait diriger les efforts de réadaptation. (Il peut être utile que le médecin fasse parvenir à l’école une lettre décrivant la condition médicale de l’élève et ses limites.)
  • Les enseignantes et les enseignants doivent rencontrer l’élève et ses parents. (On conseille vivement la collaboration entre l’école, l’élève et ses parents.)
  • La pathologie biologique du SFM doit être respectée et inspirer tous les aménagements du régime scolaire.
  • Les aménagements du régime scolaire doivent respecter l’autonomie de l’élève, favoriser sa guérison et être individualisés.
  • Participation de l’élève (la participation de l’élève à la définition des priorités et des décisions stratégiques augmentera sa motivation à réussir et réduira les malentendus.)

L’accès à une éducation adaptée à leur situation est un droit des jeunes.  Il est absolument essentiel que les parents, l’école et les autres personnes importantes pour ces jeunes fassent preuve de patience, de compréhension et de soutien! L’enseignement, une profession exigeante, peut également constituer une expérience gratifiante et fournir l’occasion et le privilège de toucher l’âme et le coeur de ces jeunes et de faire une différence positive dans leur vie.

La fibromyalgie juvénile primaire n’est pas très fréquente mais certains indices sembleraient indiquer que son incidence augmente.  Une étude a trouvé 1,2% de jeunes présentant tous les critères de la fibromyalgie (uniquement des filles).  D’autres études ont constaté une prévalence encore supérieure de la fibromyalgie chez les enfants.

 

Voici ce que relate la mère de Marc:

Marc avait environ 12 ans quand on a diagnostiqué chez lui la fibromyalgie et le  syndrome de fatigue chronique.  Les indices s’étaient accumulés depuis qu’il était en maternelle mais personne ne les avait perçus dans leur ensemble.  En maternelle, l’éducatrice avait observé que Marc n’aimait pas écrire ni colorer.  Dans ses premières années au primaire, il avait mis au point des stratégies pour n’avoir pas à écrire.

À cause de son retard en écriture, on envisagea de lui faire reprendre une année.  Heureusement, l’ergothérapeute consulté déclara à l’école qu’il s’agissait d’une condition à long terme, qu’il n’y avait guère de moyens de la corriger et que c’était à l’école de s’adapter.  Même lui, pourtant, ne s’aperçut pas que le simple fait de tenir un stylo ou un crayon était pénible et même physiquement douloureux pour Marc.

L’éducatrice de maternelle nous suggéra de faire évaluer l’audition de Marc.  D’autres firent également cette suggestion par la suite en voyant que, quoique Marc soit intelligent, il ne semblait pas toujours comprendre ce qui se passait en classe.  Pourtant, selon tous les tests, son audition était normale ou supérieure à la normale.  En maternelle, on indiqua la possibilité d’un problème de la mémoire à court terme.  Nous en sommes venus à penser à un problème de traitement des informations auditives et nous lui avons fait passer une évaluation éducationnelle.  Les résultats n’étaient pas aussi clairs que ce que nous avions prévu.  Nous ne comprenions toujours pas que nous avions affaire à une condition plus complexe, celle du   »cerveau embrouillé ».

Au début du primaire, nous avons découvert que Marc souffrait de maux de tête.  Il s’en plaignait rarement, peut-être parce qu’il avait depuis si longtemps mal à la tête qu’il ne savait pas que ce n’était pas censé se produire.  Nous nous sommes également rendu compte qu’il souffrait d’importantes allergies, une situation assez générale chez les jeunes souffrant d’EM/SFC ou du SFM.

Nous ne nous rendions pas compte de la fatigue de Marc, même si une enseignante avait mentionné, deux ans après l’avoir eu dans sa classe, que sa fatigue était un gros problème.  Nous avions observé, en revanche, qu’il était irritable au retour de l’école.   Nous nous inquiétions du temps qu’il passait à jouer à l’ordinateur ou à regarder la télé, sans comprendre que ces activités le stimulaient sans l’exténuer.  Nous vous souvenons particulièrement des terribles querelles au sujet des devoirs.  Quelle résistance il opposait aux devoirs! Et quand il s’y mettait, il y passait une éternité.  Je me souviens d’un soir où j’insistais pour qu’il finisse son travail, je me souviens de son regard de frustration, de désespoir alors qu’il essayait de me faire comprendre qu’il  »donnait son 200% ».  Ce regard me hante encore.

Au primaire, Marc n’a connu ni plaisir ni fierté.  Cependant, nous avons eu la chance que l’équipe scolaire le traite avec bonté et respect, trouve des façons de composer avec ses problèmes et discute de ses préoccupations avec nous de façon discrète.

Même quand des jeunes se sentent malades et sont capables de décrire leurs symptômes, il reste complexe d’en arriver à un diagnostic à cause des différences entre les symptômes chez les jeunes et chez les adultes.

Les transitions – un aspect crucial de la planification pédagogique

En matière d’EM/SFC et/ou de SFM, on peut envisager de nombreux types de transition: de l’absence totale de fréquentation à la présence en classe alternative; de la classe alternative à la classe régulière; d’une école à une autre et des modifications au plan d’enseignement individualisé en relation avec l’état de santé actuel de l’élève.  Il faut bien analyser chacune de ces transitions du point de vue de tous les types de dépense d’énergie y compris l’énergie physique.  Cette dépense doit augmenter ou diminuer selon les recommandations du médecin, en consultation avec l’élève et sa famille.  La plupart de ces transitions doivent s’effectuer de façon graduelle, ce qui demandera beaucoup de flexibilité et d’attention au personnel scolaire.

Croire ce que l’élève dit de son expérience et des symptômes de sa maladie ne veut pas dire que l’enseignant (e) devrait réduire ses exigences ou tolérer des comportements inacceptables.  Au contraire, un bon professeur sait qu’une combinaison d’empathie, de limites appropriées et d’attentes élevées envoie à l’élève un puissant signal de valorisation et de respect.  L’enseignant (e) qui met l’accent sur les forces de son élève et qui voit la personne derrière la maladie peut avoir une influence positive sur toute sa vie.

Plusieurs suggestions sont proposées dans ce guide, et plusieurs aspects sont discutés: comprendre le syndrome de fibromyalgie chez les jeunes, aspects médicaux, impact à l’enfance et à l’adolescence, planification du régime scolaire et projet éducatif, l’élève et la famille. De nombreuses possibilités pourraient être appliquées en accord avec la famille, l’élève et le milieu scolaire, mais là aussi, il reste beaucoup à faire.

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